Rencontre avec le Donjon Médiéval de Moncontour et les chaumières - Anjou historique

Moncontour, situé sur la communauté de communes du Pays Loudunais, fait parti de l'Anjou historique.



Samedi dernier, sur les coups de 8h30, malgré un vent à s'envoler jusqu'au pays d'Oz, j'ai pris mes chiens pour une balade. Alors que je roule en cherchant des yeux un espace pour lâcher les doudous, j'aperçois au loin une grande tour carrée. Je fais une dizaine de kilomètres pour m'en rapprocher et j'arrive dans un petit village. Je n'ai étonnamment pas envie de la voir de plus près cette tour, pas maintenant. En général je suis plutôt du genre impatiente à découvrir les monuments, leur histoire voire leurs secrets, mais là, nul désir. À part un soudain besoin de réconfort, alors je m'arrête à la boulangerie pour acheter du pain frais. Je m'apprête à pousser la porte lorsque je constate que les vitrines sont vides, que cette boutique est fantomatique quoique ouverte. Je décide de prendre du pain plus loin, plus tard, j'ai le temps, et de filer vers une base de loisir réputée de ce village. Impossible, les routes sont barrées.


Le Donjon

Faute de mieux, je m'engage alors sur la ruelle Foulque Nerra qui mène à la tour et je me gare près d'une sorte de vieux porche de pierre, qui donne sur rien de particulier, une étendue d'herbe, une sorte de nulle part. Le vent souffle à 100 kms heures, brouille mes cheveux, ma vue, pique mes joues. Et j'aime ça ! En principe... À peine sortie du véhicule, je me sens prise à la poitrine, à la gorge. Mon regard tombe sur une vieille église en réfection, puis sur un panneau qui indique la présence d'un donjon médiéval. Je ne peux pas lever la tête, j'ai le vent en pleine face, je suis courbée pour parcourir le petit chemin. Plus je monte, plus mon cœur se serre, plus le vent hurle et souffle comme un beau diable. Je me sens oppressée. Je commence à entendre des bruits un peu effrayants et les bourrasques me chahutent, me freinent. Je passe finalement une sorte d'entrée de pierre qui ouvre sur une cour cernée de murets et offre une vue plongeante sur un panorama.


 Je ne distingue rien toutefois, en bas tout semble endormi dans la brume. Je lève alors les yeux vers la tour et là je suis prise au tripes, sidérée, paralysée, impressionnée pour l'éternité.

J'ai peur, je n'ose plus bouger, je suis pétrifiée. Pourtant le panneau d'information est de l'autre côté de la cour et je dois bien y aller, prendre des photos, pour mes notes. Je ne me sens pas de revenir de sitôt visiter cette tour, je dois aller au bout, maintenant. Je ne sais plus comment je dois marcher, à quoi ressemble un rythme de pas normal. Je mets un pied devant l'autre et pour tout dire presque j'aurais voulu être à quatre pattes, si basse au pied de la tour qu'elle ne pourrait plus me voir. Je tremble, de peur ou sous les coups de fouets du vent je ne sais pas. Elle me regarde de ses trous béants, elle m'écrase de sa haute stature, elle me piétine. J'arrive, je ne sais comment, au panneau dont je shoote rapidement les textes, sans les lire, sous les coups de coude du vent. 

J'essaie de ne pas penser à la tour mais je ne pense qu'à elle et à fuir, je ne la regarde pas mais je sens son poids pesant sur ma nuque telle une grande main qui me forcerait à regarder la terre, jusqu'à m'y enliser, m'y enfoncer profondément. Il me faut rejoindre au plus vite ma voiture, traverser la cour en sens inverse, revenir jusqu'à l'entrée. J'ai envie de courir, mais j'ai peur que quelque chose ne me poursuive, alors je m'abstiens, comme dans les jeux d'enfants où l'on jouait à se faire peur. Je me conditionne à rester neutre face à ce que je ressens. Et ce vent, ce vent qui me pousse violemment, toujours cette grande main puissante qui voudrait me balayer de là maintenant, me gifle. Et puis cette énergie lourde et sombre, insoutenable. Je retrouve l'entrée. Je redescends le petit chemin, littéralement poussée, éjectée de là, j'entends presque des " tu n'es pas chez toi", "ce n'est pas fait pour toi" claquer à mes oreilles. Je suis maintenant de retour auprès du panneau donjon médiéval et j'aperçois avec horreur que le porche qui ne mène à rien, cette étendue d'herbe, la sorte de nulle part, porte le nom d'"esplanade" sur un panonceau accroché que je n'avais pas remarqué à l'aller, et qui me fait un déclic : 

J'avais déjà foulé cette sorte de nulle part dans un mauvais rêve, une nuit. J'en ai encore les poils qui se dressent en l'écrivant.



 Les chaumières 

Maisons en terre crue du Marais d'Ouzilly-Vignolles - Logis Terra Villa

En revenant du donjon, je décidais de ne pas rester sur cette désagréable impression et de visiter le petit village de maisons en chaume, situé un peu plus loin dans la vallée. Le contraste est saisissant entre la vulnérabilité, la rondeur, la douceur, la chaleur des chaumières et l'agressivité de la haute tour carrée.


 J'imaginais alors très bien comment devaient se sentir à l'époque les habitants, les paysans de la région, écrasés sous le joug de leur seigneur dont l'omniprésence, la puissance et l'influence étaient rappelées au moindre regard jeté à l'incontournable donjon défensif, visible des kilomètres à la ronde. Du haut de sa tour de Sauron, le propriétaire devait également avoir une vue imprenable sur l'ensemble de ses terres.

Je suis rentrée chez moi et je n'ai regardé les photos que le lendemain, c'est alors que j'ai vu que le ciel était bleu...

En étudiant les textes que j'avais photographiés la veille, je découvris que les lieux avaient connu des heures sombres et sanglantes depuis sa construction par le terrible Foulque Nerra III comte d'Anjou en 1020, jusqu'en 1569 où un abominable massacre entre catholiques et protestants fit, dit-on, 20 000 morts dans les plaines. Les nombreux cadavres furent rassemblés dans un gigantesque brasier visible à des kilomètres alentour.

Ainsi fut ma rencontre avec le donjon médiéval de Moncontour, impressionnante, et une grande leçon d'humilité face à son histoire et son passé bien trop jalonnés de guerres.




Ce pays m'a livré ce moment fort et je pense que beaucoup d'autres m'attendent encore, à condition de rester à l'écoute de ce qu'il est, un pays où la vie fut et est restée aussi rude que ses terres pleines de pierres, parfois arides et presque incultivables. Chaque graine de vie n'en est que plus précieuse. Je tâcherai de les cueillir et accueillir avec amour. 





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